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"YES WE CAN !" : D’OÙ ÇA VIENT ?

Dernière mise à jour : 7 sept. 2022

Nous nous rappelons tous le mondialement célèbre « yes, we can ! » de Barack Obama, lancé en 2008 pour remotiver les troupes lorsqu’il perdait le New Hamphshire et devenu ensuite slogan de sa campagne présidentielle. Il fut même repris dans un titre de Will.i.am accompagné d’un clip sur fonds d’extraits de discours. Alors « yes we can ! »: une création originale ? Absolument pas. Un message subliminal ? En quelque sorte. Car derrière ce slogan il en existe un autre, "Si, se puede", et une histoire gravée dans la culture américaine qui explique toute la portée symbolique de ce "yes, we can", portée plus méconnue ici de notre côté de l’océan. Cette histoire c’est celle de César Chávez qui a consacré sa vie à faire reconnaître les droits des ouvriers agricoles via des actions de lutte non-violente et de désobéissance civile destinées à faire plier lobbies de propriétaires et producteurs ainsi que les politiques locaux, souvent conservateurs, puissants et corrompus. Fils d’immigrés mexicains devenus fermiers, il naît en Arizona avant de rejoindre la Californie après que son père ait perdu sa terre dans des conditions sombres et injustes pendant la Grande Dépression. Saisonnier, travaillant dans les conditions que Steinbeck décrit dans "Les Raisins de la colère", son père tente de grouper les ouvriers pour agir ensemble sans succès en raison de différences communautaires et raciales que les employeurs exploitent pour dresser les ouvriers les uns contre les autres. Suite à un accident empêchant son père de travailler, César Chavez renonce à l’université et devient à son tour ouvrier agricole dans les champs de coton californiens. Marqué par le parcours de son père, il milite dans une organisation d’entraide, la Community Service Organization, dont il deviendra le directeur et se lie avec un prêtre avec lequel il entretient des échanges d’ordre plus spirituel. Il se rend compte que le seul moyen de changer les conditions salariales et de travail est de mettre face aux producteurs une organisation capable de porter avec succès les revendications des ouvriers et d’imaginer des actions originales en leur donnant un écho national. Ainsi naît en 1962 une association qui deviendra par la suite l’United Farm Workers (syndicat des ouvriers agricoles lorsque la loi l’autorisera en 1975), regroupant d’abord les cueilleurs de raisin en Californie. Des grèves sont organisée, des sittings, des piquets installés, les supermarchés complices boycottés, les caisses de raisin laissées à quai par le solidaire syndicat des dockers. Une marche de 550km de Delano à Sacramento est organisée qui regroupe des milliers de personnes pour sensibiliser à la cause (« La Causa »). Mais le déclic surviendra 2 ans plus tard en 1968 lorsqu’un Robert Kennedy en campagne rendra visite dans la rue à un Chávez en grève de la faim pour le convaincre devant les caméras d’accepter une tranche de pain. Conséquence: 17 millions d’américains boycottent le raisin californien et les producteurs plient, acceptant de signer la toute première convention collective offrant contrat de travail, assurance maladie, hausse des salaires & interdiction des pesticides les plus dangereux. Les produits des entreprises signataires sont marqués de l’aigle aztèque noir, sigle de l’association et gage de conditions de travail plus dignes. Chávez consacre sa vie à organiser un syndicalisme intègre refusant toute violence malgré la colère légitime: il en va pour lui du respect de soi, du crédit et de l’ambition collective d’obtenir la justice sociale dans la dignité. De retour en Arizona en mai 1972 pour lutter contre une loi punitive interdisant les grèves et l’organisation collective, c’est à un Chávez affaibli par la grève de la faim et alité que les ouvriers latinos viennent rapporter que le combat est perdu d’avance et les efforts vains face à la puissance tant des producteurs que du gouverneur pour qui les ouvriers, de ses propres mots, n’existent pas. Ils répètent sans cesse "No, no se puede", "No, no se puede". César Chávez et Dolores Huerta (cofondatrice de l’UFW) écoutent patiemment avant que Dolores ne lance en retour "Si, si se puede!". La loi punitive sera votée mais le cri de ralliement demeurera symbolisant la justice sociale et un avenir meilleur construits dans la paix et l’unité. Probablement pas pour rien que Barack Obama aura converti son "yes we can" (re)mobilisateur en slogan de campagne, invoquant la mémoire de Chavez, d’autres et plus généralement l’esprit du peuple américain … Activiste icône, César Chávez finira ses jours en 1993 et recevra à titre posthume de Bill Clinton un an plus tard la médaille présidentielle de la liberté, plus haute distinction civile américaine. En 2014, Barack Obama déclare le 31 mars (jour de sa naissance) Cesar Chávez Day et encore plus récemment en janvier 2021, son buste est installé dans le Bureau Ovale de la Maison Blanche à l’entrée en fonctions de Joe Biden.



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À LIRE:

  • César Chávez de Jean-Marie Muller et Jean Kalman, Fayard, 1977





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